Jeanne d'Albret, une souveraine protestante
(1528-1572)

Jeanne Albret

François Clouet, Portrait de Jeanne d’Albret, 1570  – © Musée Condé à Chantilly 

Le caractère intraitable de Jeanne d’Albret fit écrire à l'écrivain Agrippa d’Aubigné « qu’elle n’eut de femme que le sexe ». Succédant à sa mère Marguerite d’Angoulême, esprit remarquable et femme de lettres, Jeanne est plutôt une femme énergique et d’action.


 

Une femme de caractère

Ainsi, en 1541 à l’âge de douze ans, elle se voit imposer par son oncle le roi de France, François Ier, un mariage avec Guillaume, duc de Clèves, qui est deux fois plus âgé. Jeanne n’en démord pas et ses noces seront une véritable pièce de théâtre : elle fait dicter devant des témoins un texte qui annonce son non-consentement et où elle montre que ce mariage est contre sa volonté.

Le jour des noces, elle aurait même volontairement alourdit sa robe afin de ne pas avancer jusqu’à l’autel. François Ier, prit de court, intervient et demande au connétable de France, Anne de Montmorency de la saisir et de la porter, un service honteux pour l’un des plus puissants seigneurs du Royaume.
Finalement, le mariage sera annulé quatre années plus tard pour des raisons politiques : Guillaume de Clèves battu par les troupes impériales à Düren implore la grâce de l’Empereur mettant de facto fin à son alliance avec François Ier. Il n’a alors plus aucun droit sur son épouse la nièce du roi. De plus, Jeanne n’a jamais consommé son mariage.

Ses secondes noces en 1548 avec Antoine de Bourbon, premier prince de sang, seront plus heureuses, du moins lors de leurs premières années…
Leur vie conjugale sera marquée par de longues séparations, Jeanne d’Albret séjourne régulièrement sur ses terres en Albret ou dans le Béarn alors qu’Antoine de Bourbon tient son rang dans l’entourage royal. Ils resteront, malgré tout, dans la postérité pour avoir donné naissance à un fils qui allait bouleverser l’Histoire de France : le futur Henri IV.

 

« Notre Dame du Bout du Pont »

Pour cette naissance, Henri d’Albret impose à sa fille d’accoucher à Pau. En effet, il lui présente deux conditions indispensables pour lui succéder sur le trône de Navarre : il doit pouvoir assister à son accouchement et sa fille doit chanter une prière béarnaise « Notre Dame du Bout du Pont » lors de l’accouchement afin de ne pas faire « une fille pleureuse ou un garçon rechigné » !

Antoine de Bourbon

François Clouet, Portrait d'Antoine de Bourbon, huile sur panneau, 1557 – 
© Château de Pau 

Jeanne d’Albret remplit les conditions et son père lui accrocha alors au cou une clef en pendentif donnant accès à son testament.

 


  

 À Nérac, marchez sur les traces de Jeanne d'Albret !

 Plan de ville2012Plan-NERAC 2
1. Le Château-Musée Henri IV
17. Le Parc de la Garenne
18. Le Pavillon des Bains du Roy
 
 
 

Nérac, capitale protestante

À Nérac, Jeanne va prendre la décision la plus importante de sa vie lorsqu’elle décide de se convertir au calvinisme en 1560. Elle fait alors de Nérac une capitale religieuse, l’une des capitales de la France protestante. Les raisons de cette conversion sont multiples :

  • Jeanne a baigné dans une atmosphère de tolérance religieuse auprès de sa mère Marguerite d’Angoulême, ce qui a pu favoriser sa conversion ;

  • Depuis le décès de sa mère en 1549, les protestants voient en elle la chef de fil de leur parti et influent sur sa décision comme Théodore de Bèze, disciple éminent de Calvin ;

Théodore de Bèze

Anonyme, Portrait de Théodore de Bèze, 1577, huile sur bois – © Bibliothèque publique et universitaire de Genève
  • Jeanne n’admet pas le pouvoir grandissant des ducs de Guise, les ultra-catholiques, sur l’autorité royale et sa conversion peut lui permettre de s’opposer à eux et à Catherine de Médicis.

 

La chef des huguenots

catherine médicis

François Clouet, Portrait de Catherine de Médicis, huile sur bois, vers 1570 - 
© Musée Carnavalet à Paris

Devenue une figure majeure du protestantisme, Jeanne d’Albret sut utiliser dans un premier temps la tolérance, puis par la suite son intransigeance religieuse mais sans verser une goutte de sang au nom de sa foi.

Ainsi, le 19 juillet 1561, Jeanne promulgue à Nérac ses premières ordonnances ecclésiastiques, très modérées : elle ménage les deux parties, les deux cultes étaient libres et célébrées alternativement dans la même église. Pourtant lors du Grand Tour de France de Charles IX, le roi de France et sa mère Catherine de Médicis rivale catholique de Jeanne d'Albret, séjournent à Nérac du 28 juillet 1565 au 1er août 1565. Ils passent ici pour tailler dans le vif l’un des plus importants foyers du protestantisme et tenter de fléchir la rugueuse Jeanne d’Albret...

 

En effet, depuis 1561, Jeanne d'Albret a ordonné la fermeture des couvents et églises d’Albret. Certains lieux de cultes auraient même été démantelés, les pierres de construction servant alors à l’aménagement de l’aile sud du Château de Nérac. Pour Jeanne d'Albret, ces quatre journées furent amères, ne disposant pas dans ce fief français de l'indépendance souveraine qu'elle avait en Béarn, elle dût obéir à Charles IX et accepter un retour en force du catholicisme. En 1566, Jeanne d’Albret va encore plus loin en promulguant le calvinisme comme religion d’État dans tout le Béarn et ainsi la fin de l’exercice du culte catholique.

Cependant, afin d’apaiser les tensions religieuses entre catholiques et protestants, Jeanne d’Albret et Catherine de Médicis vont unir leurs enfants respectifs par les liens du mariage. Cette union, celle d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois la reine Margot, sera surnommée « les noces vermeilles »…
En effet, Jeanne d’Albret qui décède peu avant les noces de son fils échappera au massacre de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572, qui a lieu seulement six jours après le mariage d’Henri et de Margot.